Les marchés, moteurs du développement de la commune...
Dans son histoire St-Vincent de Tyrosse a toujours manqué de terrains pour son développement, pour la construction de sa Mairie ou de ses écoles, pour dynamiser son marché... Les propriétaires de terrains ne cèdent en effet pas facilement le foncier dans ce petit bourg agricole pourtant peu peuplé.
Avec 554 habitants en 1811, le village souffre du manque d’espace pour se développer, plus encore à partir de 1830 lors de l’installation de ses cinq marchés hebdomadaires du vendredi.
En 1844, le marché aux bestiaux qui se tenait alors à « Norton » déborde : les animaux à cornes envahissent la route redevenue "royale". De jeunes intrépides bravent la loi en faisant des écarts ou des sauts, pourtant interdits par le Préfet, pour les beaux yeux de leur belle !
On envisage de le déplacer au « bois du curé » (où se trouvait le presbytère, près des Arènes actuelles). Puis la famille de Gorostarzu, qui louait l’emplacement de Norton, le déplace au lieu dit de « Bivac » (enseigne Réseau Pro / Chausson matériaux aujourd’hui).
... trouvent une place de choix au Foirail
Mais le Conseil Municipal cherche toujours un vrai lieu de foire, aussi bien situé mais moins onéreux. C’est alors que M. Clavery fait une proposition pour tenir le marché aux bœufs « dans son champ qui se trouve au nord de sa maison (actuelle enseigne Cryox, à l'angle de l'avenue Nationale et de la rue du Centre) et qui s’étend jusqu’au chemin vicinal de Saubion ». Et son offre de location est… gratuite ! M. Clavery est même disposé à vendre mais, partagé, le Conseil Municipal ne prend pas de décision : faut-il payer ce champ humide qui jouxte une mare aux canards ?
Un coup de théâtre a lieu le 17 novembre 1881 : les époux Clavery proposent de céder gracieusement à la commune ce champ de 40 ares à la seule condition qu’il devienne place de marché ! Une aubaine qui donnera un élan décisif au développement de la commune. La parcelle devient alors « le Foirail » dont on rêvait pour le marché hebdomadaire : un foirail qui se remplit de bovidés et d’éleveurs chaque fin de semaine.
Parmi les 5 marchés de Saint-Vincent, celui de la place du Foirail est le plus vaste et le plus réputé. Il acquiert une place de choix dans la commune à l’époque des comices agricoles cantonaux qui ne peuvent s’établir qu’à cet endroit privilégié à deux pas de la Route Nationale et de la gare.
Le Foirail est si connu dans le monde agricole local que c’est là que se réunissent, le vendredi 20 février 1920, 7 000 métayers du Bas Adour en colère. Malgré les interdictions, ils boycottent le marché de Saint-Vincent et barrent les rues. Un grand moment de la révolte des métayers qui, un mois plus tard, sera suivi par la « marche des lauriers ».
Avec l’assainissement du champ, la « mare aux canards » (dite du « guitar », devenu « hitar ») disparaît et des arbres sont plantés pour attacher les bestiaux à l’ombre. Puis l’urbanisation, un peu désordonnée, s’agence autour de la place : maisons à colombages, commerces, auberges, un maréchal ferrant... Une bascule de pesée est installée, les premières vespasiennes de Tyrosse déclenchent la curiosité et, près de l’abreuvoir, l’alambic distille l’aigre vin « piquepouy » en eau-de-vie.
Par leur donation, les époux Clavery ont permis au petit bourg de grandir et a propulsé ses fêtes. Celles-ci se résument dans un premier temps en une journée de fête patronale qui se tenait alors le jour de la Saint-Vincent le 22 janvier. On y partageait le pain et bien sûr le vin, Saint Vincent étant le saint patron des vignerons. A partir de 1851, avec la construction de la Halle aux grains, les 900 habitants festoient jusqu’au soir sur le parvis de la Mairie, avec musique et artifices.
Place aux arènes de bois
Trente ans plus tard, le don de la place Clavery donne des idées qui vont tout bouleverser : en 1885, sont construites des arènes de bois sur la place du Foirail. Des arènes appelées amphithéâtres, rectangulaires comme le veut la tradition pour la course landaise, et fermées pour obéir à l’interdiction préfectorale d’écarter dans la rue.
Cette construction marque le début de la course landaise à Saint-Vincent. Les plus grands champions écarteurs vont alors se succéder au Foirail : Coran, Meunier, Mazantini et le célèbre écarteur moustachu Félix Robert… Les fêtes n’ont plus lieu pour la Saint-Vincent en janvier mais au printemps, puis progressivement en mai, en juin, pour finalement perdurer en juillet. Car la fête et son « festival hispano landais », qui mêle novillos et vaches espagnoles, est de plus en plus fréquentée. A tel point que d’une journée on passe à deux, puis trois, puis quatre, puis plus tard cinq jours de fête avant de revenir finalement à quatre actuellement.
Cependant les arènes de bois restent démontables car le foirail est avant tout la place du marché hebdomadaire du vendredi. Après chaque course, il faut tout démonter et ranger sous une couverture de tuiles. Un ballet incessant de montages et démontages effectué inlassablement entre 1885 et 1914. A l’issue de la Première Guerre Mondiale, lorsque les activités reprennent, le bois est vermoulu et de plus en plus difficile à manipuler.
1925 marque alors un tournant : l’affiche des Fêtes n’annonce pas de Course landaise, la Municipalité refusant de réparer les arènes de bois ou de louer un amphithéâtre. Toute la structure est vendue aux enchères : 28 m3 de charpente, 3 100 planches, 1 200 tuiles ! Une déception pour les amateurs, que la mise au programme d’un incroyable raid hippique de Bénesse à St-Geours, avec arrivée sur la Route Nationale à Saint-Vincent, n’apaise pas.
C’est alors que germe l’idée, puis la construction, d’arènes en dur : les Arènes Marcel Dangou qui s’ouvriront pour les Fêtes de 1927, avec des gradins de plus de 3 500 places, le double de la population tyrossaise de l’époque !
La place Clavery trouve alors sa vocation contemporaine : elle accueille désormais cirques, théâtres ambulants en plein air, marionnettes et funambules… et toujours le marché... désormais organisé le samedi pour s'ajuster au mode de vie contemporain. Une page s’est tournée, les plus de 120 agriculteurs ont disparu, et avec eux les marchés aux bestiaux. La place s’en est trouvée reconfigurée avec un parking pour accueillir les automobiles de plus en plus nombreuses.
Avec sa place rénovée et sa halle couverte construite en 2018 pour accueillir plus confortablement les commerçants du marché, la fête foraine ou divers événements tels que la Fête de la musique, la place du Foirail n’en finit pas d’évoluer tout en conservant toujours sa place privilégiée dans le cœur de Tyrosse et des Tyrossais.
Source : Alain Ladebat, Professeur d’Histoire tyrossais à la retraite et ancien élu municipal